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Améliorer l’information des consommateurs et lutter contre les mauvaises pratiques commerciales

Publié le 7 février 2024

Renforcer l’information du consommateur confronté à une modification de son contrat à durée indéterminée; encadrer les modalités de renouvellement automatique à l’échéance des contrats à durée déterminée; encadrer strictement le démarchage commercial pour la fourniture d’énergie; améliorer la qualité, la clarté et la fiabilité des informations données dans le cadre de la souscription d’un contrat de fourniture d’énergie.


Renforcer l’information du consommateur confronté à une modification de son contrat à durée indéterminée

L’article L.224-10 du code de la consommation prévoit que « tout projet de modification envisagé par le fournisseur des conditions contractuelles est communiqué au consommateur par voie postale ou, à sa demande, par voie électronique, au moins un mois avant la date d’ application envisagée. En matière d’électricité ou de gaz, les projets envisagés de modification des dispositions contractuelles relatives aux modalités de détermination du prix de la fourniture, ainsi que les raisons, les conditions préalables et la portée de cette modification sont communiqués de manière transparente et compréhensible.

Cette communication est assortie d’une information précisant au consommateur qu’il peut résilier le contrat sans pénalité, dans un délai maximal de trois mois à compter de sa réception.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux modifications contractuelles imposées par la loi ou le règlement ».

Cette disposition, qui permet de déroger au principe que toute modification d’un contrat doit faire l’objet d’un accord des deux parties, a permis d’assouplir les conditions dans lesquelles les fournisseurs d’énergie peuvent faire évoluer leurs tarifs ; mais elle a donné lieu à des applications et à des interprétations particulièrement défavorables pour les consommateurs.

Certains fournisseurs d’énergie ont ainsi mal informé leurs clients sur les évolutions tarifaires, soit parce que l’information ne leur parvenait pas du tout, soit parce que cette information n’était pas suffisamment « transparente et compréhensible » sur les conséquences de l’évolution contractuelle envisagée ; dans ces cas, le médiateur national de l’énergie a systématiquement adressé aux fournisseurs en cause des recommandations de maintenir le tarif antérieur.

Le médiateur national de l’énergie propose donc de modifier l’article L. 224-10 du code de la consommation, afin de mieux protéger les consommateurs d’énergie en cas de modification du contrat en cours :

  1. Ce cadre dérogatoire au principe que toute modification d’un contrat doit faire l’objet d’un accord des deux parties impose de donner une information « transparente et compréhensible » au consommateur. Si tel n’est pas le cas ou que les délais ne sont pas respectés, la logique voudrait que la régularité du contrat soit remise en cause. Il est donc proposé d’indiquer expressément que, dans ce cas de figure, le contrat ne rentre pas en vigueur et que le tarif antérieur est maintenu.
  1. La disposition imposant de donner une information « transparente et compréhensible » fait aujourd’hui l’objet d’une appréciation subjective et certains en ont une interprétation trop restrictive. Il existe ainsi des cas dans lesquels cette interprétation se fait au détriment du consommateur, le plus souvent non averti et pour qui, par exemple, la seule annexe d’une grille tarifaire au contrat ne suffit pas à remplir cette condition d’une information compréhensible.

Afin d’éviter des pratiques abusives, dans lesquelles, comme on l’a vu récemment, le consommateur découvre trop tard toutes les conséquences de la modification à laquelle il n’a pas été en mesure de porter suffisamment d’attention, il est proposé que les exigences minimales qu’implique ce devoir d’information soient précisées par voie réglementaire. Des fournisseurs consultés par le médiateur national de l’énergie ont appelé de leurs vœux une telle clarification.

Le médiateur national de l’énergie considère que ne constitue pas une information « transparente et compréhensible » un envoi qui ne compare pas l’ancien et le nouveau prix, au moins en pourcentage, et ne comporte pas pour les clients mensualisés le montant de l’ancienne et de la nouvelle mensualité. Le fournisseur devrait mentionner clairement le nom et le type de l’offre, l’écart entre l’ancien et le nouveau prix avec un pourcentage d’évolution, la possibilité de changer à tout moment et gratuitement de fournisseur, et un renvoi vers le comparateur du médiateur national de l’énergie.

De manière plus générale, les offres de fourniture d’énergie doivent être compréhensibles, exigence qui résulte du déséquilibre entre le fournisseur et le consommateur dans la compréhension de l’offre et qui découle du principe de loyauté des relations contractuelles prévu par l’article 1104 du code civil (« les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi »).

  1. Le non-respect de la disposition prévoyant que l’information doit être communiquée « de manière transparente et compréhensible » devrait faire l’objet d’une sanction, qui pourrait être au minimum la nullité absolue de la modification contractuelle, mais également une sanction financière infligée de manière quasi-automatique par la DGCCRF pour tromperie.
  2. Le délai de prévenance du consommateur apparaît trop court pour permettre au consommateur de prendre les mesures adaptées, notamment de comparer les autres offres de fourniture et de décider de changer de fournisseur ; ce délai de prévenance pourrait être allongé et porté à 2, voire 3 mois.
  3. Par ailleurs, le deuxième alinéa prévoit que la communication d’une modification des conditions contractuelles, « est assortie d’une information précisant au consommateur qu’il peut résilier le contrat sans pénalité, dans un délai maximal de trois mois à compter de sa réception ».

Cette disposition insérée dans le code de la consommation laisse penser qu’elle est applicable aux consommateurs résidentiels, alors qu’il n’en est rien puisque ces derniers peuvent changer de fournisseur à tout moment et sans frais (article L. 224-14 et L. 224-15 du code de la consommation), principe qui est d’ordre public.

Cet alinéa ne concerne en réalité que les consommateurs professionnels par extension de l’article L. 332-2 du code de l’énergie, visant les professionnels souscrivant une puissance électrique égale ou inférieure à 36 kilovoltampères (kVA).

Certains fournisseurs adressent ainsi des courriers de renouvellement à leurs clients domestiques en faisant référence à cette possibilité de résilier le contrat dans un délai de trois mois seulement. Elle est à l’origine chez de nombreux consommateurs domestiques d’une méconnaissance de leurs droits.

Il est ainsi proposé de supprimer cette formulation et de rappeler que les consommateurs non professionnels peuvent changer de fournisseur à tout moment et sans frais.

À titre d’illustration, en Belgique, depuis le 1er janvier 2022, les fournisseurs d’énergie doivent informer clairement leurs clients de l’expiration de leur contrat (ou de son renouvellement dans le cas des contrats à durée indéterminée), en leur envoyant une nouvelle proposition de contrat 2 mois au moins avant l’expiration du contrat (ou avant que l’offre ne soit plus activement proposée dans le cas des contrats à durée indéterminée), et en leur demandant d’accepter expressément la nouvelle proposition. Si le client ne répond pas, le fournisseur doit attribuer à son client le produit équivalent le moins cher (Loi du 4 juin 2021, Moniteur belge du 30 juin 2021).

Encadrer les modalités de renouvellement automatique à l’échéance des contrats à durée déterminée

La plupart des fournisseurs de contrats à durée déterminée proposent de nouvelles conditions contractuelles à leurs clients à leur échéance. Dans la pratique, sans opposition de la part des consommateurs, les conditions communiquées par les fournisseurs s’appliquent automatiquement le lendemain de la date de fin du contrat précédent.

Alors que cette pratique permet d’éviter de systématiquement couper l’alimentation en énergie des consommateurs en contrat à durée déterminée qui n’aurait pas choisi une nouvelle offre au moment de la fin de leur contrat, il convient de garantir que l’information transmise permet bien aux consommateurs de mesurer les conséquences de l’entrée en vigueur du nouveau, notamment sur leur facture.

Le médiateur national de l’énergie a ainsi pu constater des informations parfois insuffisantes ou ambiguës de la part de certains fournisseurs.

A ce titre, il conviendrait, a minima, et comme pour toute modification en cours de contrat (à durée indéterminée) permise par l’article L. 224-10 du code de la consommation, qu’une comparaison de la facture théorique qu’auraient payée les consommateurs si le nouveau prix s’était appliqué sur l’année précédente à leur facture réelle soit imposée.

  Interdire et à défaut, encadrer strictement le démarchage commercial pour la fourniture d’énergie

Contrairement à ce qu’on peut lire ou entendre, le démarchage, y compris à domicile, ne constitue pas un vecteur d’information des consommateurs et de pédagogie sur l’ouverture à la concurrence dans les marches de l’énergie.

Les litiges adressés par des consommateurs au médiateur national de l’énergie attestent du caractère très répandu de pratiques douteuses, voire frauduleuses, a l’occasion des démarchages. Le démarchage a certes diminué avec les crises successives, mais les pratiques abusives continuent.

Une interdiction du démarchage est juridiquement possible1, et a d’ailleurs fait l’objet de plusieurs propositions de loi récentes2. Un certain nombre de dispositions législatives en vigueur prévoient d’ailleurs une telle mesure dans plusieurs domaines, par exemple pour les travaux de rénovation énergétique3.

À défaut de décider l’interdiction à domicile du démarchage, le médiateur national de l’énergie propose de s’inspirer des dispositions récentes de la loi n° 2021-402 du 8 avril 2021 relative à la réforme du courtage de l’assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement et du décret d’application n° 2022-34 du 17 janvier 2022 relatif au démarchage téléphonique en assurance : accord explicite du consommateur pour être démarché, enregistrement systématique des appels, respect d’un délai minimal de vingt-quatre heures entre le démarchage et la souscription.

Ainsi, le médiateur national de l’énergie propose :

  • Interdire le démarchage à domicile pour tout contrat de fourniture d’énergie.
  • Interdire, le démarchage à domicile ou téléphonique concernant les offres à tarification dynamique.
  • D’interdire, à l’instar de ce que prévoit la loi en matière d’assurance, que la signature d’un quelconque engagement du consommateur soit recueillie directement au moment du démarchage par téléphone ou à domicile, afin qu’un délai minimum soit laissé au consommateur pour lui permettre de réfléchir, de se renseigner tranquillement et de comparer les offres.
  • D’interdire la mise en œuvre d’un nouveau contrat de fourniture d’énergie avant l’expiration du délai de rétractation de 14 jours prévu par le code de la consommation, sauf cas exceptionnels strictement définis (notamment d’emménagement).
  • D’annuler purement et simplement tout nouveau contrat de fourniture qui ne respecterait pas ces règles, et de réactiver automatiquement le précédent contrat.
  • De renforcer les sanctions applicables en la matière, notamment les sanctions administratives, et de prévoir, en cas de fraudes répétées, la suppression ou le retrait de l’autorisation de fourniture d’énergie des fournisseurs concernés4.

Enfin, le médiateur national de l’énergie recommande qu’il soit imposé aux démarcheurs, mais également aux fournisseurs avant d’activer le contrat, de systématiquement donner la valeur en euros, à la date de signature du contrat, du tarif d’acheminement s’il n’est pas intégré au prix du kWh.

Il conviendrait également que la proposition faite au consommateur rappelle l’ancien prix, et le pourcentage d’évolution du nouveau prix par rapport à l’ancien. Une disposition réglementaire ou législative devrait encadrer plus précisément une telle obligation.

Améliorer la qualité, la clarté et la fiabilité des informations données dans le cadre de la souscription d’un contrat de fourniture d’énergie

Près de la moitié des litiges recevables dont est saisi le médiateur national de l’énergie concernent une contestation des consommations facturées. Le médiateur national de l’énergie propose qu’à l’instar de la consommation annuelle de référence (CAR) utilisée en gaz, la réglementation impose la définition d’une consommation annuelle prévisionnelle d’électricité́, qui permettrait au consommateur de mieux connaître ses besoins et aux fournisseurs de leur proposer une offre de fourniture d’électricité claire et transparente adaptée à leurs besoins. Sans attendre cette évolution réglementaire, les fournisseurs pourraient afficher spontanément cette estimation dans le contrat et sur les factures et remettre au consommateur un document affichant une estimation de sa facture annuelle calculée sur cette base et prenant en compte le prix TTC du kWh et celui de l’abonnement.

 

[1] La directive européenne 2019/2161 du 27 novembre 2019 permet, en effet, d’interdire le démarchage dans le secteur de la fourniture d’électricité et de gaz naturel, comme l’a rappelé le médiateur belge de l’énergie dans son rapport de l’année 2020.

[2] Proposition de loi visant à encadrer le démarchage commercial pour la fourniture de gaz ou d’électricité, n° 3691, déposée le 14 décembre 2020 ; proposition de loi visant à encadrer le démarchage commercial et les mesures d’offre des fournisseurs d’énergie et à protéger le consommateur, n° 4580, déposée le 19 octobre 2021.

[3] Loi du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux

[4] La possibilité de suspendre ou retirer l’autorisation de fourniture pour un motif de ce type a été ouverte par le décret n° 2021-273 du 11 mars 2021 relatif à la fourniture de gaz naturel et d’électricité.

 

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