- Accueil
- Le médiateur
- Publications
- Propositions du médiateur
Renforcer les protections dont bénéficient les petits professionnels et assimilés
Publié le 27 avril 2025
Pour les très petites entreprises (TPE) comme pour les particuliers, l’instruction des litiges a conduit le médiateur national de l’énergie à proposer aux pouvoirs publics de renforcer l’information « transparente et compréhensible » qui doit leur être délivrée, de mettre en place un encadrement plus strict des évolutions de prix, de lutter plus efficacement contre la précarité énergétique et de mettre fin aux pratiques déloyales qui, telles celles observées lors de démarchages, entament la confiance dans le bon fonctionnement du marché de l’énergie.
S’agissant plus particulièrement des TPE, qui ont moins de 10 salariés pour un chiffre d’affaires annuel inférieur ou égal à 2 millions d’euros, le médiateur national de l’énergie a constaté les situations douloureuses qu’elles ont connues à la suite de la crise des prix de l’énergie.
Si elles ne comptent le plus souvent ni juristes, ni techniciens, et sont assimilables dans les faits à des consommateurs domestiques dans leur connaissance du fonctionnement des marchés du gaz et de l’électricité, ces très petites entreprises ne bénéficient toutefois pas des protections offertes par le code de la consommation aux particuliers. Sans être exhaustif, on relèvera que :
- Elles n’ont dans la plupart des cas pas de droit de rétractation[1];
- Leur délai de prévenance en cas de modification contractuelle est réduit de moitié en électricité[2] ;
- Les plus grandes consommatrices d’électricité ou de gaz peuvent se voir facturer des consommations supérieures de plus de quatorze mois au dernier relevé ou auto-relevé[3];
- Les fournisseurs n’ont pas l’obligation de leur proposer des contrats d’une durée d’un an[4];
- Elles peuvent toutes se voir facturer des frais en cas de résiliation anticipée du contrat[5].
Enfin, elles évoluent dans un cadre juridique particulièrement complexe, avec des risques d’erreurs dans l’application de la loi du fait de sa complexité, et par conséquent une insécurité juridique.
Le médiateur national de l’énergie propose donc de simplifier le droit qui leur est applicable et de renforcer les protections dont elles peuvent bénéficier, notamment en encadrant mieux les frais de résiliation anticipée qui peuvent leur être facturés.
Clarifier et étendre aux TPE les dispositions protectrices du code de la consommation
Le code de la consommation prévoit des dispositions protectrices des consommateurs domestiques détenant un contrat de fourniture d’électricité ou de gaz naturel[1]. Le code de l’énergie[7] élargit ces protections à certaines catégories de consommateurs professionnels, au moyen de multiples renvois vers le code de la consommation, avec des critères et des règles de seuils différents selon les articles.
catégories de consommateurs professionnels, au moyen de multiples renvois vers le code de la consommation, avec des critères et des règles de seuils différents selon les articles.
Outre le fait que ces critères sont déjà complexes et difficiles à appréhender, certains articles proposent d’autres seuils qui résultent de la transposition du droit européen[8].
Enfin, la transposition du droit européen a conduit à distinguer les consommateurs de gaz des consommateurs d’électricité dans les règles qui leur sont applicables, alors même qu’ils ont des usages semblables et qu’ils sont placés dans une situation identique. Cela est principalement dû au fait que la directive européenne 2019/944 du 5 juin 2019 sur l’électricité n’a pas d’équivalent en gaz[9].
Ces rédactions rendent la compréhension de la loi particulièrement délicate, avec des risques d’erreurs dans leur application et par conséquent une insécurité juridique. Des administrations ont ainsi pu avoir des interprétations différentes du cadre législatif s’appliquant aux petits professionnels consommateurs d’énergie, ce qui laisse imaginer à quel point ce cadre est difficilement accessible pour ceux.
Le médiateur national de l’énergie propose d’aligner purement et simplement les protections dont bénéficient les TPE sur celles des particuliers et, le cas échéant, d’harmoniser les règles, aujourd’hui différentes, entre les TPE qui sont consommatrice de gaz et celles qui consomment de l’électricité, et cela, quelle que soit la puissance électrique souscrite ou leur consommation de gaz. Il convient de préciser que les entreprises qui ne rentrent pas dans la catégorie des TPE aujourd’hui éligibles à certaines de ces protections ne devraient pas s’en voir désormais privées. Cette harmonisation permettrait d’accroître significativement la protection des plus petits professionnels.
Cette simplification ne doit pas conduire à distinguer les droits des TPE et des petits « non professionnels »[10] (associations à but non lucratif, copropriétés ou encore petites collectivités territoriales). Pour eux, le médiateur national de l’énergie propose également :
- De ne plus raisonner selon la puissance électrique souscrite ou le volume de gaz consommé, mais selon leur taille ;
- D’aligner les protections dont bénéficient les particuliers sur les plus petits d’entre eux (moins de 10 salariés et de de 2 millions d’euros de chiffre d’affaire ou, s’il s’agit d’une collectivité, moins de 10 agents et 2 millions d’euros de recettes annuelles).
Mieux protéger les consommateurs professionnels exposés à des frais de résiliation anticipée
L’attention du médiateur national de l’énergie est régulièrement appelée par des consommateurs professionnels ou non professionnels ayant souscrit un contrat à prix fixe sur une période déterminée sur la facturation par leur fournisseur d’électricité ou de gaz naturel de frais, en cas de résiliation anticipée de leur contrat de fourniture.
La facturation de tels frais, qui doivent être prévus par le contrat de fourniture, se justifie par le préjudice économique subi par le fournisseur, qui avait acquis ou réservé l’énergie nécessaire au moment de la souscription du contrat ; ils peuvent atteindre des montants très importants (plusieurs milliers d’euros), et des petits professionnels, en général mal informés, peuvent se retrouver dans l’impossibilité de résilier un contrat particulièrement désavantageux.
Le médiateur national de l’énergie propose un meilleur encadrement des dispositions existantes.
Etendre aux consommateurs non domestiques de gaz les règles applicables en cas de résiliation anticipée aux consommateurs non domestiques d’électricité
Le droit de l’Union européenne (directive 2019/944) prévoit le principe de la possibilité de résiliation des contrats de fourniture d’électricité à tout moment et sans frais ; il prévoit que, par dérogation, il est néanmoins possible de facturer des frais de résiliation anticipée pour les contrats à durée déterminée et à prix fixe, à condition que ces frais « relèvent d’un contrat que le client a conclu de son plein gré », « soient clairement communiqués au client avant la conclusion du contrat » et ne dépassent pas la « perte économique directe » subie par le fournisseur. Transposant ces dispositions, le législateur les a limités aux consommateurs professionnels[11].
En gaz, toutefois, ni le droit de l’Union européenne, ni le droit interne n’encadrent les frais de résiliation anticipée et les fournisseurs de gaz peuvent prévoir des frais de résiliation anticipée dans tout type de contrat (que le prix soit fixe ou non), et sans avoir l’obligation que les montants prévus ne dépassent pas la perte économique subie.
Le médiateur national de l’énergie considère que les consommateurs de gaz rencontrent les mêmes problématiques que ceux d’électricité, qu’il s’agisse de besoin d’information ou d’usages, et qu’ils doivent dès lors bénéficier des mêmes protections ; il propose donc de rendre applicables à toutes les « très petites entreprises » (TPE) consommatrices de gaz, les règles aujourd’hui applicables aux consommateurs professionnels d’électricité, et parmi elles, celles relatives aux frais de résiliation anticipée.
Renforcer les obligations d’information des fournisseurs sur l’existence des frais de résiliation anticipée
Le médiateur national de l’énergie propose qu’il soit expressément prévu dans un texte que l’information par les fournisseurs sur l’existence de frais de résiliation anticipée doit toujours être « transparente et compréhensible » et de garantir qu’elle a bien fait l’objet d’un consentement explicite du consommateur, qui en a parfaitement conscience.
Il rappelle qu’il recommande aux fournisseurs, dans le cadre de la relation de confiance et de loyauté qui doit prévaloir, de ne pas faire souscrire de nouveau contrat sans s’être assuré au préalable que leurs clients ont parfaitement connaissance des frais de résiliation anticipée auxquels ils s’exposent en résiliant avant son terme leur contrat en cours. Il recommande également que, lors de toute nouvelle souscription, les fournisseurs recueillent une mention manuscrite de leurs clients dans laquelle ils indiquent qu’ils ont été parfaitement informés que le contrat qu’ils souscrivent prévoit qu’ils devront payer des frais en cas de de résiliation anticipée.
Le médiateur national de l’énergie considère que, dans les cas où l’information « transparente et compréhensible » n’a pas été correctement faite, la stipulation contractuelle serait nulle et que les frais de résiliation anticipée ne pourraient pas être facturés.
Transposer la possibilité, prévue par la directive, d’exercer un contrôle sur le montant des frais de résiliation anticipée
- Contrôle exercé par le consommateur lui même
Le droit de l’Union européenne prévoit que ces frais, « clairement communiqués », « sont proportionnés et ne dépassent pas la perte économique directe subie par le fournisseur (…) » ; aujourd’hui, non seulement le calcul de cette « perte économique » est impossible à vérifier, mais les clauses contractuelles figurant dans la plupart des contrats sont complexes et très différentes selon les fournisseurs. Cela rend ce calcul difficile, voire impossible à contrôler pour le consommateur, qui est en général dans l’incapacité de calculer lui-même le montant des indemnités qu’il devra payer s’il résilie son contrat par anticipation.
« Clairement communiquer » ces frais suppose pourtant que le consommateur puisse aisément et à tout moment connaître le montant des frais de résiliation qui vont lui être appliqués.
Cette information constitue en effet un élément important du choix du consommateur ; il s’agit d’un critère sur lequel il peut faire jouer la concurrence. Plutôt que des formules à plusieurs inconnues, comme la différence entre les prix d’achat et de revente de l’énergie sur les marchés, imprévisible au moment de la conclusion du contrat (ce qui est une hypothèse déjà vue), le médiateur national de l’énergie recommande aux fournisseurs de retenir la formule suivante : montant chiffré en euros multiplié par le nombre de mois restant à courir jusqu’à l’échéance de la période contractuelle.
De manière générale, il propose qu’il soit explicitement prévu dans la loi que le montant et le calcul des frais de résiliation anticipée sont communiqués de façon « transparente et compréhensible » au client professionnel.
- Contrôle exercé par les pouvoirs publics
Le médiateur observe également que, si la directive européenne prévoit que « la charge de la preuve de la perte économique directe (…) fait l’objet d’une surveillance de la part de l’autorité de régulation, ou toute autre autorité nationale compétente », cette disposition n’a pas été transposée aujourd’hui, ce qui empêche tout contrôle réel du calcul du montant des frais de résiliation anticipée, notamment en ce qui concerne la règle selon laquelle ils ne peuvent excéder la « perte économique directe ».
Des montants de frais de résiliation toujours plus encadrés : exemples dans d’autres secteurs
Pour certains biens et services de première nécessité, le législateur s’est montré particulièrement attentif à renforcer la protection des consommateurs et a encadré la facturation de frais de résiliation anticipée lorsqu’elle ne l’était pas suffisamment. Prêts immobiliers : l’indemnité due par l’emprunteur en cas de remboursement par anticipation ne peut excéder 6 mois d’intérêt sur le capital remboursé, sans pouvoir dépasser 3 % du capital restant dû. Assurances : de nombreuses possibilités de résiliation sans frais s’offrent au consommateur. Parmi elles, la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a introduit la faculté de résiliation à tout moment du contrat d’assurance pour les assurances multirisques habitation, automobile ou affinitaire. A cette liste, la loi du 14 juillet 2019 a ajouté les complémentaires santé tandis que le projet de loi « simplification » prévoit d’y intégrer, pour les professionnels, les assurances dommages. Communications électroniques (téléphone, internet, télévision) : depuis l’ordonnance du 26 mai 2021 et la loi du 16 août 2022 sur le pouvoir d’achat, lorsque la résiliation par le consommateur intervient à partir de la fin du 12ème mois, il n’est pas redevable de tels frais. Le législateur prévoit une exception, aussitôt encadrée, si le contrat comprend la vente d’un équipement (téléphone, télévision, etc.) : il ne peut être redevable que de 20% maximum des sommes dues (article L. 224-28 du code de la consommation). |
Mieux encadrer les situations dans lesquelles des indemnités de résiliation anticipée peuvent être facturées
- Le médiateur national de l’énergie propose que, conformément à la règlementation européenne qui prévoit la possibilité de facturer des frais lorsque les clients résilient « de leur plein gré» des contrats de fourniture, il soit clairement interdit d’en facturer en cas circonstances indépendantes de la volonté du consommateur (décès, cessation d’activité ou liquidation de l’entreprise…).
- Le médiateur national de l’énergie considère également que les fournisseurs, lorsqu’ils proposent une offre à prix fixe avec des frais de résiliation anticipée, devraient proposer également au moins une offre à prix fixe, plus chère le cas échéant, mais qui peut être résiliée à tout moment sans frais.
- Il propose également qu’a l’instar de ce qui a été fait par l’article 15 de la loi du 16 aout 2022 dite « loi pouvoir d’achat » dans les télécoms, aucun frais ne puisse être perçu en cas de résiliation anticipée plus d’un an après la première année du contrat.
Maintenir l’interdiction de facturer des frais de résiliation anticipée aux consommateurs domestiques
Dans un contexte sensible pour le pouvoir d’achat des ménages et alors que l’urgence est au renforcement du cadre législatif actuel, le médiateur national de l’énergie est opposé à cette proposition formulée par certains fournisseurs, tentés de reporter sur leurs clients la charge du risque de leurs coûts d’approvisionnement.
Pouvoir changer de fournisseur d’énergie à tout moment et gratuitement est un principe fort, rappelé par les directives européennes sur l’ouverture à la concurrence des marchés de l’énergie ; revenir dessus serait renoncer à ce qui est une protection des consommateurs et une garantie pour eux de ne pas être prisonniers d’une offre trop chère ou qui ne leur convient plus.
Au demeurant, il n’est absolument pas démontré que la facturation de ces frais soit une condition nécessaire pour qu’un fournisseur puisse proposer des offres attractives, ni qu’elle garantisse aux consommateurs des prix plus compétitifs. En revanche, le médiateur national de l’énergie a tiré de son expérience, la certitude que ces frais sont la source de nombreux litiges, car il le constate quotidiennement dans plus de 50% des saisines de TPE et de copropriétés qu’il instruit, alors que ces frais peuvent atteindre des montants très importants.
Présenté le 24 avril 2024 par le gouvernement, le « plan d’action : Simplification ! » contenait plusieurs actions dont les petites entreprises consommatrices d’énergie bénéficieraient grandement :
– Plafonnement des frais de résiliation anticipée ; – Alignement des droits sur ceux des particuliers ; – Simplification de la partie du code de l’énergie relative aux professionnels. |
[1] Articles L. 332-2, L. 332-2-1 et L. 442-2 du code de l’énergie, lesquels n’étendent pas le bénéfice des articles L.224-3 et L. 224-7, L. 221-18 et L. 221-20 du code de la consommation aux professionnels. ↑
[2] Articles L. 332-2 et L. 332-2-1 du code de l’énergie. ↑
[3] Article L. 332-2-1 du code de l’énergie, qui n’étend pas le bénéfice de l’article L. 224-11 du code de la consommation aux professionnels souscrivant des puissances électriques supérieures à 36 kVA. Le code de l’énergie ne contient pas d’article étendant ces protections aux professionnels consommant plus de 30 000 kilowattheures de gaz par an. ↑
[4] Articles L. 332-2, L. 332-2-1 et L. 442-2 du code de l’énergie, lesquels n’étendent pas le bénéfice de l’article L.224-5 du code de la consommation aux professionnels. ↑
[5] Articles L. 332-2, L. 332-2-1 et L. 442-2 du code de l’énergie, lesquels n’étendent pas le bénéfice de l’article L. 224-15 du code de la consommation (gaz) ou y apportent une dérogation (électricité). ↑
[6] Articles L. 224-1 à L. 224-16. ↑
[7] Articles L. 332-2, L. 332-2-1 et L. 442-2 du code de l’énergie, rappelés par l’article L. 224-1 du code de la consommation. ↑
[8] Par exemple, l’article L. 332-2 du code de l’énergie prévoit l’application de l’article L. 224-15 du code de la consommation aux consommateurs non domestiques qui emploient moins de 50 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 10 millions d’euros ; or ce seuil ne correspond ni à la définition des TPE (10 salariés pour un chiffre d’affaires annuel et un bilan inférieurs ou égal à 2 millions d’euros) ni à celle des PME (250 salariés et 50 M d’euros). ↑
[9] A titre d’illustration, les frais de résiliation anticipée pour les contrats des petits consommateurs professionnels de gaz ne sont pas encadrés, contrairement à ceux des consommateurs d’électricité. ↑
[10] Visés aux articles L332-1 et L442-1 du code de l’énergie. ↑
[11] Articles L. 332-2, L. 332-2-1 et L. 442-2 du code de l’énergie. ↑
le médiateur dans les médias

Le Figaro – « Des pratiques inacceptables persistent » : le médiateur de l’énergie épingle trois fournisseurs

Ouest France – Gaz et électricité : ces trois fournisseurs ont reçu un carton rouge du médiateur de l’énergie

Libération – Démarchages abusifs, défauts de paiement… trois fournisseurs d’énergie cartonnés par le médiateur de l’énergie
