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Mieux protéger les consommateurs professionnels exposés à des frais de résiliation anticipée

Publié le 31 janvier 2024

L’attention du médiateur national de l’énergie est régulièrement appelée par des consommateurs non domestiques sur la question de la facturation, par leur fournisseur d’électricité ou de gaz naturel, de frais de résiliation anticipée de leur contrat conclu à prix fixe sur une période déterminée.

La facturation de tels frais se justifie par le préjudice économique subi par le fournisseur, qui avait acquis ou réservé l’énergie nécessaire, au moment de la souscription du contrat ; le montant de ces frais est défini par le contrat et peut atteindre des montants très importants (plusieurs milliers d’euros). Ces petits professionnels peuvent donc se retrouver dans l’impossibilité de résilier un contrat particulièrement désavantageux.

Le traitement des litiges dont il est saisi conduisent le médiateur national de l’énergie à proposer un meilleur encadrement des dispositions concernant la facturation des frais de résiliation anticipée.

Le contexte réglementaire

·       En électricité : Le droit de l’union européenne[1] transposé en droit français[2] prévoit le principe de la résiliation sans frais et l’exception la possibilité de frais pour les contrats à durée déterminée et à prix fixe.

·       En gaz : ni le droit de l’union européenne, ni le code de la consommation n’encadre les frais de résiliation anticipée. Le fournisseur peut donc leur facturer des frais prévus au contrat en cas de résiliation avant la date d’échéance.

1.     Etendre aux consommateurs non domestiques de gaz les règles applicables aux consommateurs non domestiques d’électricité en cas de résiliation anticipée

  • Pour les consommateurs résidentiels :

D’après l’article L. 224-15 du code de la consommation, le fournisseur ne peut facturer au consommateur « que les frais correspondant aux coûts qu’il a effectivement supportés, par l’intermédiaire du gestionnaire de réseau, au titre de la résiliation et sous réserve que ces frais aient été explicitement prévus dans l’offre. Ceux-ci doivent être dûment justifiés. Aucun frais ne peut être réclamé au consommateur au seul motif qu’il change de fournisseur ».

Cela exclut les contrats à prix fixe et à durée déterminée résiliés à l’initiative du fournisseur et ceux résiliés sans le plein gré du client.

Il s’agit de la transposition de la directive européenne 2019/944 du 5 juin 2019 qui prévoit ainsi à son article 12 qu’en principe : « les États membres veillent à ce qu’au moins les clients résidentiels et les petites entreprises ne se voient pas facturer de frais liés au changement de fournisseur ».

  • Pour les consommateurs non résidentiels :

Ces dispositions sont seulement étendues aux consommateurs professionnels d’électricité souscrivant une puissance électrique égale ou inférieure à 36 kVA par l’article L. 332-2 du code de l’énergie. Cet article introduit toutefois :

  • Un nouveau seuil issu de la transposition de la directive électricité 2019/944 du 5 juin 2019 : en plus de ce critère de puissance, ces mêmes consommateurs doivent employer moins de cinquante personnes et avoir un chiffre d’affaires annuel ou un total de bilan annuel ou des recettes inférieur à 10 millions d’euros. L’article 12 de la directive demande en effet aux Etats membres de veiller à ce « qu’au moins les clients résidentiels et les petites entreprises [d’après l’article 2 : entreprise qui emploie moins de cinquante personnes et dont le chiffre d’affaires annuel et/ou le total du bilan annuel n’excède pas 10 millions d’euros] ne se voient pas facturer de frais liés au changement de fournisseur ».
  • Une dérogation: des frais de résiliation peuvent être facturés pour les contrats à prix fixes et à durée déterminée que les clients résilient de leur plein gré avant leur échéance. Ces frais « sont clairement communiqués avant la conclusion du contrat et ne peuvent excéder la perte économique directe subie par le fournisseur ».
  • Proposition du médiateur national de l’énergie

Comme évoqué plus haut, les protections prévues par le code de l’énergie pour les consommateurs non domestiques d’électricité résultent de la transposition de la directive européenne 2019/944 qui n’a pas d’équivalent en gaz. Aucun encadrement, ni restriction à la facturation de frais de résiliation anticipée ne sont prévus par les textes pour les consommateurs de gaz et seules les règles du contrat s’appliquent en cas de résiliation anticipée, les fournisseurs n’ayant pas à modérer ou à en justifier le montant. En conséquence, les fournisseurs de gaz peuvent prévoir des frais de résiliation anticipée dans tout type de contrat (que le prix soit fixe ou non), et sans avoir l’obligation que les montants prévus ne dépassent pas la perte économique subie.

 Le médiateur national de l’énergie considère que les consommateurs de gaz rencontrent les mêmes problématiques que ceux d’électricité, qu’il s’agisse de besoin d’information ou d’usages et qu’ils doivent dès lors bénéficier des mêmes protections.

Dans un souci de cohérence et de renforcement de la protection des petites entreprises, le médiateur national de l’énergie propose de rendre applicables à toutes les TPE, dont les consommateurs professionnels de gaz, les règles aujourd’hui applicables aux consommateurs professionnels d’électricité souscrivant une puissance électrique égale ou inférieure à 36 kVA.

2.     Renforcer l’information sur l’existence des clauses de résiliation anticipée et leur modalité de calcul au moment de la souscription et tout au long du contrat

La directive 2019/944 du 5 juin 2019 prévoit que « la charge de la preuve de la perte économique directe incombe au fournisseur » et que « ces frais sont proportionnés et ne dépassent pas la perte économique directe subie par le fournisseur (…). Le code de l’énergie[3] lui impose que « ces frais sont clairement communiqués avant la conclusion du contrat et ne peuvent excéder la perte économique directe subie par le fournisseur ».

Aujourd’hui, non seulement cette « perte économique directe » n’est pas définie dans la loi, mais son calcul est impossible à vérifier et les clauses contractuelles sont très complexes et différentes selon les fournisseurs. Cela rend ce calcul difficilement contrôlable par le consommateur qui est, en général, dans l’incapacité de calculer lui-même le montant des indemnités qu’il devra payer s’il résilie son contrat par anticipation. Cette information constitue une part importante du choix du consommateur, qui peut faire jouer la concurrence sur ce critère.

A titre d’exemple, la clause particulièrement complexe relative à la facturation d’indemnités de résiliation anticipée du contrat de fourniture d’électricité d’une boulangerie :

Dans ses recommandations aux fournisseurs, le médiateur national de l’énergie considère que l’exigence de clarté fixée par l’article L. 332-2 du code de l’énergie impose au fournisseur d’exposer en toute transparence au consommateur la formule de calcul retenue et les coûts auxquels les frais de résiliation correspondent.

Un encadrement plus précis du montant de ces indemnités de résiliation anticipée permettrait d’en garantir le caractère équilibré, permettrait aux intéressés de mieux connaître leur montant, et aux autorités publiques de mieux faire respecter les règles applicables.

Le médiateur national de l’énergie propose ainsi de clarifier le droit en prévoyant explicitement dans la loi que le montant et le calcul de ces frais sont communiqués de façon claire et compréhensible au client. Afin de faciliter la compréhension de ce calcul, les fournisseurs devraient retenir la formule compréhensible suivante : indemnité chiffrée en euros multipliée par le nombre de mois restant à courir jusqu’à l’échéance de la période contractuelle initiale.

3.     Transposer la possibilité, prévue en droit européen, d’exercer un contrôle sur le montant des frais de résiliation anticipée

La directive 2019/944 prévoit que « la charge de la preuve de la perte économique directe (…) fait l’objet d’une surveillance de la part de l’autorité de régulation, ou toute autre autorité nationale compétente ».

Ces dispositions ne paraissent pas transposées aujourd’hui, ce qui empêche de contrôler le montant des frais de résiliation anticipée et s’ils correspondent véritablement à une « perte économique directe ».

Dans certains cas, le montant des frais de résiliation anticipée facturé au consommateur peut représenter une grande partie des sommes qu’il aurait dû payer jusqu’à la fin du contrat.

Or la perte économique du fournisseur n’est pas toujours aussi importante. Si les prix de marché sont orientés à la baisse, ce qui expliquerait dans cette hypothèse la résiliation du client, le fournisseur peut toujours revendre l’énergie réservée sur les marchés ou l’utiliser pour alimenter de nouveaux clients. Ces prix étant moins élevés, il est possible que le bénéfice réalisé par le fournisseur soit moins important que si le client n’avait pas résilié ; toutefois, il est très improbable que le montant de cette « perte économique directe » s’élève à la totalité des sommes que le client aurait dû payer jusqu’à la fin du contrat.

Le médiateur national de l’énergie considère, dans ces conditions, que cette perte économique directe alléguée doit faire l’objet d’un encadrement. Afin de contrôler le bien-fondé du montant demandé par le fournisseur d’électricité, le médiateur national de l’énergie propose ainsi que les pouvoirs publics confient cette tâche, déjà prévue en droit positif, à la CRE. Ces travaux pourraient, d’ailleurs, être coordonnés avec ceux sur les « règles prudentielles en matière d’approvisionnement des fournisseurs d’énergie », qui devraient être menés dans le cadre de l’encadrement des conditions de délivrance des autorisations de fourniture d’énergie.

4.     Limiter les situations dans lesquelles des indemnités de résiliation anticipée peuvent être facturées

4.1 Lier la possibilité de proposer une offre à prix fixe avec frais de résiliation anticipée à la proposition, par le même fournisseur, d’une autre d’offre à prix fixe pouvant être résiliée sans frais

 Le médiateur national de l’énergie considère que les fournisseurs, lorsqu’ils proposent une offre à prix fixe avec des frais de résiliation anticipée, devraient proposer également au moins une offre à prix fixe, plus chère mais qui peut être résiliée à tout moment sans frais.

4.2 Permettre aux TPE titulaires d’un contrat à prix fixe et à durée déterminée de revenir aux TRV d’électricité sans pénalités

 Aujourd’hui, le seul fournisseur qui, devançant la réglementation, offre cette possibilité, est TOTAL ENERGIES dans ses conditions générales de vente.

Afin de protéger les TPE, le médiateur national de l’énergie propose, lorsqu’elles sont éligibles au tarif réglementé et qu’elles souhaitent y retourner, qu’elles soient exonérées de frais de résiliation anticipée.

4.3 Exclure les indemnités de résiliation anticipée dans certains cas particuliers  

Devraient être exclue la facturation de frais de résiliation anticipée en cas de circonstances indépendantes de la volonté du consommateur (déménagement, perte d’emploi, décès, cessation d’activité ou de de liquidation de l’entreprise…).

De même, la loi du 16 août 2022 « pouvoir d’achat » a modifié l’article L. 224-28 du code de la consommation, afin que les frais de résiliation anticipée dans le domaine des télécoms soient désormais réservés aux offres permettant aux consommateurs de « bénéficier de la vente d’un équipement terminal subventionné » et limités à « au plus 20% de la fraction non échue de la période minimale d’exécution du contrat ».  Ces dispositions constituent une avancée majeure pour les consommateurs dans le domaine des télécoms. Le MNE estime qu’elle pourrait inspirer le législateur pour mieux encadrer les frais de résiliation anticipée des consommateurs d’énergie professionnels, car il n’y a pas de frais de résiliation anticipé pour les particuliers qui peuvent changer d’offres et de fournisseur sans frais et à tout moment.

5.     Exclure les offres à prix fixe avec écrêtement ARENH de la définition d’un « prix fixe »

 Le médiateur national de l’énergie a été saisi par des petits professionnels ayant souscrit une « offre à prix fixe avec écrêtement ARENH », et qui se sont vus annoncer, dès le mois suivant, une augmentation du prix du kilowattheure que le fournisseur a justifiée par l’octroi d’un quota ARENH moins élevé que ce qu’il avait demandé.

Dans un cas traité par le médiateur national de l’énergie[4], un petit professionnel a ainsi cru acheter de l’énergie au prix fixe de 0,055 euro le kWh, et a vu le « prix fixe » passer quelques semaines plus tard à 0,142 (soit 2,6 fois plus)[5].  Le fournisseur lui a indiqué qu’il avait souscrit un contrat « à prix fixe hors écrêtement ARENH », et qu’il n’avait pas obtenu tout le quota d’ARENH qu’il avait demandé.

Cette définition est trompeuse pour bien des professionnels, qui ne savent même pas ce qu’est un « écrêtement ARENH » et peuvent légitimement penser que le prix du kilowattheure, annoncé comme « fixe », ne devrait pas varier, sauf en ce qui concerne les taxes et le tarif d’acheminement.

 Or la réglementation prévoit aujourd’hui qu’un tel contrat peut être qualifié de « prix fixe ». L’article 1 du décret n° 2022-788 du 6 mai 2022 (codifié à l’article D. 332-2 du code de l’énergie) tient en effet compte de l’écrêtement de la demande d’ARENH obtenue finalement par le fournisseur[6] .

Le médiateur national de l’énergie propose qu’une « offre de fourniture d’électricité avec écrêtement ARENH » ne puisse plus être considérée comme une « offre à prix fixe », et que, dès lors que cette qualification est une condition pour justifier le versement de frais de résiliation anticipée, qui peuvent être très importants, ne devrait pas pouvoir être présentée comme telle. Il propose de supprimer au deuxième alinéa de l’article D. 332-2 le renvoi à « l’application du deuxième alinéa de l’article L. 336-3 » qui prévoit cet écrêtement.

6.     Clarifier le champ d’application des frais de résiliation anticipée

La transposition de la directive a introduit un nouveau seuil dans un article déjà dédié aux consommateurs souscrivant une puissance électrique égale ou inférieure à 36 kVA : employer moins de cinquante personnes et avoir un chiffre d’affaires annuel ou le total de bilan annuel ou les recettes est inférieur à 10 millions d’euros.

Il s’agit de critères ad hoc qui ne correspondent pas à la définition des TPE (10 salariés pour un chiffre d’affaires annuel et un bilan inférieurs à 2 millions d’euros, seuil d’éligibilité aux TRV) ni à celle des PME (250 salariés et 50 M d’euros).

Les dispositions en vigueur pour les consommateurs non domestiques d’électricité, de l‘article L. 332-2 du code de l’énergie et l’article L. 224-15 du code de la consommation, ne sont pas parfaitement claires sur la question de savoir à qui peuvent s’appliquer ces frais de résiliation anticipée : à l’ensemble des petites entreprises qui emploient moins de 50 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 10 millions d’euros, ou à celles-ci, seulement si elles sont titulaires d’un contrat de fourniture d’électricité avec une puissance souscrite inférieure ou égale à 36 kVA. Les administrations consultées sur cette question n’ont pas donné la même réponse.

Le médiateur national de l’énergie propose, a l’instar du droit européen, d’abandonner ce critère de puissance pour ne garder que celui de la taille du consommateur professionnel. Dans ce cadre, il souhaite voir supprimer la possibilité de facturer des frais de résiliation anticipée aux « petites entreprises » au sens du droit européen » (articles 2 et 12 de la directive : « entreprise qui emploie moins de cinquante personnes et dont le chiffre d’affaires annuel et/ou le total du bilan annuel n’excède pas 10 millions d’euros »). Il s’agirait de la solution la plus claire pour le consommateur.

A défaut, pour faire disparaitre l’ambigüité précitée, il propose de clarifier la rédaction existante en faisant clairement apparaitre dans l’article L. 332-2 du code de l’énergie que les deux critères sont cumulatifs : pour ne pas se voir facturer des frais de résiliation anticipée et en dehors de la dérogation sur les contrats à prix fixe et à durée déterminée, il faudrait souscrire une puissance électrique égale ou inférieure à 36 kVA, employer moins de 50 personnes avoir un chiffre d’affaires annuel inférieur à 10 millions d’euros. A défaut de simplifier le droit applicable, cette option permettrait de lever l’ambigüité existante.

 

[1] La directive européenne 2019/944 du 5 juin 2019 prévoit ainsi à son article 12 qu’en principe : « les États membres veillent à ce qu’au moins les clients résidentiels et les petites entreprises ne se voient pas facturer de frais liés au changement de fournisseur ».  Toutefois, le même article dispose que « par dérogation, les États membres peuvent autoriser les fournisseurs ou les acteurs du marché pratiquant l’agrégation à facturer aux clients des frais de résiliation de contrat lorsque ces clients résilient de leur plein gré des contrats de fourniture d’électricité à durée déterminée et à prix fixe avant leur échéance, pour autant que ces frais relèvent d’un contrat que le client a conclu de son plein gré et qu’ils soient clairement communiqués au client avant la conclusion du contrat. Ces frais sont proportionnés et ne dépassent pas la perte économique directe subie par le fournisseur ou l’acteur du marché pratiquant l’agrégation du fait de la résiliation du contrat par le client, y compris les coûts de tout investissement groupé ou des services qui ont déjà été fournis au client dans le cadre du contrat. La charge de la preuve de la perte économique directe incombe au fournisseur ou à l’acteur du marché pratiquant l’agrégation et l’admissibilité des frais de résiliation de contrat fait l’objet d’une surveillance de la part de l’autorité de régulation, ou toute autre autorité nationale compétente ».

[2] L’article L. 224-15 du code de la consommation prévoit que « le fournisseur ne peut facturer au consommateur que les frais correspondant aux coûts qu’il a effectivement supportés, par l’intermédiaire du gestionnaire de réseau, au titre de la résiliation » et qu’ « aucun frais ne peut être réclamé au consommateur au seul motif qu’il change de fournisseur ». Il est applicable aux consommateurs non domestiques d’électricité qui emploient moins de 50 personnes et dont le chiffre d’affaires ou le bilan annuel est inférieur à 10 millions d’euros. Par dérogation à cet article, l’article L. 332-2 du code de l’énergie permet que des frais de résiliation anticipée soient réclamés par un fournisseur d’électricité en cas de résiliation par anticipation d’un contrat de fourniture d’énergie conclu à prix fixe sur une période déterminée.

[3] Article L. 332-2 du code de l’énergie

[4] Prix HT : recommandation D2023-01615

[5] Cas réel traité par le médiateur national de l’énergie, prix HT : recommandation D2023-01615

[6] L’article 1 prévoit notamment que, « pour l’application de l’article L. 332-2, on entend par “ contrats à prix fixes et à durée déterminée ” les contrats pour lesquels le prix de la fourniture de l’énergie est fixé pour un volume et une ou des puissances et ne varie pas en fonction des évolutions des prix sur le marché de gros sur la durée déterminée, sauf soit (….), soit en cas d’application du deuxième alinéa de l’article L. 336-3 »,

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